La culpabilité: pouvons-nous nous en distancer ?

En date du 22 novembre, je postais un article sur le suicide car un jeune a choisi de mettre fin à ses jours. Mais quelle triste et terrible nouvelle une semaine après quand j’apprends que sa petite-amie l’a rejoint ! Deux familles anéanties par le choix radical de leurs enfants ! Comment ne pas se laisser envahir par la quête du « pourquoi » et de la culpabilité qui occupent le même territoire ! Qu’est-ce que nous n’avons pas vu ? Pas compris ? Pas fait ? Pourquoi n’avons-nous pas mieux protégé notre enfant ? Ai-je manqué d’amour ? Et si j’avais su, et si seulement, et si… et si…


Pour la plupart des proches en deuil après suicide, la culpabilité constitue l’axe majeur autour duquel s’articule la douleur. Elle se fonde sur l’indéracinable présupposé que le suicide pouvait être prévenu et qu’on n’a rien fait ou pas assez pour l’empêcher de survenir. La racine du mot « culpabilité » étant culpa, la « faute » en latin, voilà dont la « faute » dont on s’accuse : ne pas avoir pu, ou su, prévenir le suicide. Elle se fonde également sur la douloureuse conscience de ne pas pouvoir retourner en arrière, afin de réécrire l’histoire.
Réécrire l’histoire ? Mais laquelle ? La réalité est que quelle que soit la voie que l’on se reproche de ne pas avoir suivie, il existe quelqu’un d’autre, dans la même situation, pour se reprocher exactement l’opposé. « Si j’avais su » n’offre aucune certitude quant à l’absence de passage à l’acte suicidaire.

La culpabilité se construit autour de la faute, qu’elle soit réelle ou supposée. Or, dans notre culture judéo-chrétienne, s’il y a « faute », il doit y avoir « punition ». On comprend alors combien le deuil après suicide peut potentiellement porter lourdement la charge des « punitions » qui découlent de cette condamnation de soi ! Ces « punitions » ont une réelle toxicité au niveau psychique. Si on n’y prend pas garde, elles peuvent miner chaque instant de la vie de façon pernicieuse et durable.
L’ultime façon de se faire « payer » le suicide d’un proche est de se tuer à son tour ! « Je n’ai pas le droit de vivre, je dois mourir aussi ! » Ce type de punition n’est pas aussi rare qu’on pourrait le croire.

VOUS N’ÊTES PAS RESPONSABLE DU SUICIDE D’AUCUN ÊTRE HUMAIN!

Si impliqué que vous vous sentiez dans la genèse de sa détresse, ce n’est pas vous qui avez accroché cette corde à la poutre, ce n’est pas vous qui lui avez fait prendre ces médicaments, ce n’est pas vous qui avez appuyé sur la gâchette, ce n’est pas vous qui l’avez poussé sur les rails. CE N’EST PAS VOUS ! Rien de votre valeur, rien de la profondeur de votre amour, rien de votre dignité fondamentale n’est remis en cause. Quelque chose d’autre s’est passé ; quelque chose qui va au-delà de ce que vous pouviez faire, au-delà de votre contrôle, au-delà de votre responsabilité1.

  1. Christophe Fauré «  Après le suicide d’un proche » éd. Albin Michel. 2007

 

Je souhaite à toutes les personnes touchées par la perte tragique d’un être cher, de tenter de se détacher de ce destructeur sentiment de culpabilité et de le remplacer par de la compassion pour soi-même… Que vous cœurs soient remplis de paix…

Je désire encore vous partager les paroles de Grand Corps Malade « J’ai pas les mots »

Il est de ces événements qui sortent tout le reste de nos pensées,
Certaines circonstances qui nous stoppent net dans notre lancée,
Il est de ces réalités qu’on n’était pas prêt à recevoir,
Et qui rendent toute tentative de bien-être illusoire.

J’ai pas les mots pour exprimer la puissance de la douleur,
J’ai lu au fond de tes yeux ce que signifiait le mot malheur,
C’est un souvenir glacial, comme ce soir de décembre,
Où tes espoirs brûlants ont laissé place à des cendres.

J’ai pas trouvé les mots pour expliquer l’inexplicable,
J’ai pas trouvé les mots pour consoler l’inconsolable,
Je n’ai trouvé que ma main pour poser sur ton épaule,
Attendant que les lendemains se dépêchent de jouer leur rôle.

J’ai pas les phrases miracles qui pourraient soulager ta peine,
Aucune formule magique parmi ces mots qui saignent,
Je n’ai trouvé que ma présence pour t’aider à souffrir,
Et constater dans ce silence que ta tristesse m’a fait grandir.

J’ai pas trouvé le remède pour réparer un coeur brisé,
Il faudra tellement de temps avant qu’il puisse cicatriser,
Avoir vécu avec elle et apprendre à survivre sans,
Elle avait écrit quelque part que tu verserais des larmes de sang.

Tu as su rester debout et je t’admire de ton courage,
Tu avances la tête haute et tu traverses cet orage,
A côté de ton épreuve, tout me semble dérisoire,
Tous comme ces mots qui pleuvent que j’écris sans espoir.

Pourtant les saisons s’enchaîneront saluant ta patience,
En ta force et ton envie, j’ai une totale confiance,
Tu ne seras plus jamais le même mais dans le ciel dès demain,
Son étoile t’éclairera pour te montrer le chemin.

https://www.youtube.com/watch?v=X4syCN9SB8U

 

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